Français, Homélies

Sixième dimanche de Pâques

Nous venons d’entendre le récit de la guérison d’un aveugle de naissance (Jn 9, 1-41). Nous qui avons la chance d’avoir la vue ne pouvons imaginer combien il est difficile pour un homme aveugle de vivre dans la société. Fermons nos yeux ne serait-ce qu’un instant, et mettons-nous dans la peau de cet homme aveugle de naissance et comprenons toute sa souffrance au quotidien ! Or, dans ce récit de l’évangéliste Jean le Théologien, notre Seigneur affirme que l’homme était aveugle de naissance « afin que les œuvres de Dieu soient révélées en lui » (Jn 9, 3). Le miracle du récit évangélique de ce dimanche est donc en fait une théophanie.

La piscine de Siloé n’est pas sans évoquer les fonts baptismaux et notre baptême

Il est significatif que dans ce récit, après avoir fait de la boue avec sa salive et l’avoir appliquée sur les yeux de l’aveugle, notre Seigneur l’envoie en disant : « Va te laver à la piscine de Siloé » (Jn 9, 7). Ce n’est qu’alors que l’aveugle reçut la vue. Nous savons de l’Évangile que le Christ guérissait les malades, les infirmes et les aveugles et ressuscitait les morts directement par sa simple parole. Pourquoi alors avait-Il besoin d’envoyer l’aveugle né à la piscine de Siloé ? Ce détail dans le récit de l’évangéliste Jean le Théologien n’est pas sans évoquer les fonts baptismaux et notre baptême. En cette période pascale qui tire à sa fin, notre Église poursuit à travers la lecture de l’Évangile de Jean sa réflexion mystagogique sur la signification spirituelle du mystère du baptême qui est à juste titre appelé « mystère de l’illumination ».

L’aveugle né est une figure du genre humain

Commentant ce passage, saint Augustin voit dans l’aveugle né une figure du genre humain. « C’est le genre humain qui est cet aveugle » dit-il, « car par le péché, cette cécité a frappé le premier homme, dont nous avons tous tiré une origine, non seulement de mort, mais encore d’iniquité… Tout homme est né aveugle selon l’esprit. S’il voit en effet, il n’a pas besoin de guide. Mais s’il a besoin de quelqu’un qui le guide et l’illumine, c’est donc qu’il est aveugle de naissance » (Homélies sur l’évangile de Jean XLIV-LIV).

L’évangile, en parlant d’une cécité corporelle, veut nous enseigner quelque chose sur notre cécité spirituelle. Par le miracle de la guérison de l’aveugle né, il veut nous signifier notre guérison spirituelle. En effet, de notre état de pécheur, nous sommes tous des aveugles spirituellement parlant. Étant nés pécheurs, nous sommes tous des aveugles nés et pouvons donc nous reconnaître sous les traits de cet aveugle de naissance. C’est donc par notre baptême que nous avons été guéris de cet état de péché et c’est notre baptême qui nous a donné la vision spirituelle, celle qui est nécessaire pour discerner entre le bien et le mal, entre la rectitude et le péché.

Le Christ envoie l’aveugle se laver en signe du baptême par lequel Dieu nous recrée et nous donne sa lumière

Dans l’évangile d’aujourd’hui, le Christ affirme : « Pendant que je suis dans le monde, je suis la lumière du monde » (Jn 9, 5). Saint Ambroise de Milan souligne qu’en étant la lumière du monde, le Seigneur amène cette lumière au sein de la boue avec laquelle il guérit l’aveugle, cette même boue dont Dieu se sert pour créer l’homme dans le livre de la Genèse (cf. Gn 2,7). Le Christ envoie l’aveugle se laver en signe du baptême par lequel Dieu nous recrée et nous donne sa lumière. « Étant la lumière, Il a touché l’aveugle et Il l’a éclairé. Étant prêtre, Il a réalisé, sous le signe du baptême, les mystères de la grâce spirituelle. Qu’Il ait fait de la boue et qu’Il en ait enduit les yeux de l’aveugle, cela ne signifie rien d’autre que ceci : avec la boue qu’il lui applique, Il a rendu à la santé ce même homme qu’Il avait façonné avec de la boue. Cela signifie aussi que notre chair tirée de la boue reçoit la lumière de la vie éternelle par les mystères du baptême » (Lettre 80, 1-6. PL 16, 1271-1272).

Avant ce miracle, le Seigneur avait déjà affirmé dans l’évangile de Jean : « Je suis la lumière du monde. Celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, mais il aura au contraire la lumière de la vie » (Jn 8, 12). Et cette identification du Christ à la lumière avait déjà été faite dans le prologue de l’évangile de Jean, que nous avons lu le jour de Pâques, jour où était célébré le baptême dans l’Église ancienne, où l’évangile parle du Christ comme du Fils et Verbe de Dieu : « En lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes. La lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont point reçue… Cette lumière était la véritable lumière, qui éclaire tout homme venant dans le monde. Elle était dans le monde, et le monde a été fait par elle, et le monde ne l’a point connue. Elle est venue chez les siens, et les siens ne l’ont point reçue. Mais à tous ceux qui l’ont reçue, à ceux qui croient en son nom, elle a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu, lesquels sont nés non du sang, ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l’homme, mais de Dieu » (Jn 1, 4-5. 9-13).

Par notre baptême, il nous a été donné de devenir des enfants de Dieu

Par notre baptême, il nous a été donné de devenir des enfants de Dieu. Par notre baptême, nous avons été illuminés, c’est-à-dire il nous a été donné une vision spirituelle. Nous avons été guéris de notre cécité spirituelle. Rendons grâce à Dieu pour ce grand don, et fuyons les ténèbres du péché. Fuyons de tout ce qui nous détourne de Dieu, tout ce qui nous enferme dans notre égoïsme, tout ce qui nous rattache aux plaisirs éphémères et passagers, tout ce qui nous aveugle par l’orgueil, la jalousie ou l’ambition. Attachons-nous au bien, au partage, à l’amour fraternel, à la rectitude. Puisons pour cela à la source abondante de la grâce du Saint Esprit qui nous abreuve à travers les sacrements de l’Église. Et c’est ainsi que nous serons de véritables enfants de Dieu, guéris de notre cécité spirituelle, illuminés par le Christ qui est la lumière qui nous illumine tous, vivant déjà dans ce monde la joie ineffable du Royaume à venir, où lui revient gloire et adoration, avec son Père éternel et son Esprit bon et vivifiant, dans les siècles des siècles. Amen.

Archevêque Job de Telmessos

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