Français, Homélies

Dimanche du Fils Prodigue

Nous venons d’entendre la lecture d’une parabole bien connue. Un père avait deux fils. Le plus jeune lui demande sa part d’héritage. L’ayant reçue, il quitte le foyer familial pour un pays lointain où il dépense futilement toute sa fortune, jusqu’à ne plus avoir de quoi vivre. Etant obligé de travailler comme gardien de porcs pour survivre, il n’arrive même pas à se nourrir des caroubes que mangeaient les bêtes. C’est alors qu’il se souvient de son père et du bonheur qui existait dans sa maison, et décide de retourner vivre chez lui en tant qu’ouvrier. Approchant de la maison paternelle, son père l’aperçoit, et rempli de pitié pour lui, l’accueille à bras ouverts et fait tuer le veau gras pour fêter son retour.

Dans cette parabole, l’Église a reconnu sous les traits du père notre Père céleste

Dans cette parabole, l’Église a reconnu sous les traits du père notre Père céleste. Notre Dieu est un Dieu d’amour et de miséricorde. Sous la figure du fils prodigue, l’Église reconnait l’humanité pécheresse – chacun d’entre nous, qui par notre orgueil, notre arrogance ou notre indépendance souhaitons vivre de la manière que nous voulons, sans être contraints par des lois, des commandements ou quelconque contrainte. C’est cet esprit d’orgueil, d’arrogance ou d’indépendance qui nous éloigne de notre patrie céleste, et qui nous mène vers le pays du péché. Mais notre Père céleste, en tant qu’un Dieu d’amour et de miséricorde, «ne veut pas la mort du pécheur, mais qu’il vive et qu’il se convertisse» (cf. Ez 33, 11). C’est pourquoi Il déploie tous ses efforts pour mettre sur pied le mystère de notre salut: Dieu s’incarne pour notre salut. Dieu s’abaisse à notre bassesse, afin de nous relever avec Lui et nous ramener dans son Royaume céleste. Mais Dieu ne peut le faire contre notre gré. Tout cela exige de notre part notre conversion et notre repentir.

La parabole du Fils Prodigue est pour nous une illustration de la convertion et du repentir

La parabole du Fils Prodigue est pour nous une illustration de la convertion et du repentir. Dieu, notre Père, n’attends pas de nous punir et encore moins de nous faire souffrir, mais attends notre conversion. La conversion, la metanoia, est un changement de cap, un changement de direction. Le Fils Prodigue, une fois dans la misère, a compris que le but qu’il s’était fixé n’était pas bon, n’était pas fructueux, et c’est pourquoi il en prend concience, et décide de changer de cap, de changer le but de sa vie. Tel est le sens de la véritable conversion. Tant que nous persistons à mener la vie que nous menons, sans vouloir nous détacher de nos passions et de nos péchés, sans vouloir reconnaître nos faiblesses, nous n’avons pas commencé à nous repentir et ne pouvons attendre la miséricorde de Dieu. C’est pourquoi, l’Église nous invite à reconnaître nos péchés, et à l’exemple du Fils Prodigue, revenir à notre patrie céleste:

« Seigneur, hâte-toi de m’ouvrir tes bras paternels, car j’ai follement dépensé toute ma vie. Considère le trésor inépuisable de ta pitié, Sauveur, ne méprise pas la pauvreté de mon cœur. Vers Toi, Seigneur, je crie plein de componction: Père, j’ai péché contre le ciel et contre toi! »

D’ailleurs, c’est accompagnés de ce chant (cathisme après la 3e ode du canon des matines) que ceux qui aspirent à la vie monastique viennent prononcer leurs vœux monastiques devant leur supérieur. La vie monastique, qui est un paradigme dans l’Église orthodoxe de vie de conversion et de repentir, nous enseigne qu’il faut toujours reconnaître ses péchés et combattre quotidiennement, par une lutte spirituelle, les passions qui nous détourne de notre Père céleste et nous entrainent vers le pays lointain du péché et de l’ombre de la mort. La tradition spirituelle du monachisme orthodoxe nous invite à confesser nos péchés et nos pensés devant un père spirituel, afin de constater notre état de pécheur et nous recentrer sur Dieu et sur l’essentiel.

Dans l’évangile d’aujourd’hui, le fils ainé n’est pas content. Il ne comprend pas la miséricorde de son Père envers son cadet. Peut-être en est-il même jaloux. Si nous nous plaçons du point de vue de la justice humaine, il aurait sans doute raison, puisqu’il est resté fidèle toute sa vie envers son père et n’a pas dépensé son héritage. Mais notre Père céleste, en tant que Dieu d’amour et de miséricorde, attend patiemment le repentir et la conversion de tout pécheur. Il est le Dieu, qui dans une autre parabole qui précède dans l’Évangile de Luc celle d’aujourd’hui, se réjouit de ce que la brebis égarée retrouve sa place dans son troupeau. Notre Seigneur l’affirme: «Je vous le déclare, c’est ainsi qu’il y aura de la joie dans le ciel, pour un seul pécheur qui se convertit, plus que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n’ont pas besoin de repentance» (Lc 15, 7).

Mais notre Père céleste, en tant que Dieu d’amour et de miséricorde, attend patiemment le repentir et la conversion de tout pécheur

C’est la raison pour laquelle le Père se réjouit du retour du Fils prodigue et organise une fête, figure du banquet céleste du Royaume de Dieu, en s’écriant: «il fallait bien s’égayer et se réjouir, parce que ton frère que voici qui était mort et qu’il est revenu à la vie, parce qu’il était perdu et qu’il est retrouvé» (Lc 15, 32). Saint Jean Chrysostome nous invite à imiter le Fils Prodigue dans sa conversion afin d’hériter le Royaume de Dieu: «Imitons ce fils, mes frères; Et quand nous nous trouverions déjà dans une terre éloignée, retournons néanmoins à la maison de notre père. […] Commençons à sortir de cette terre barbare, c’est-à-dire du péché, qui nous éloigne si fort de notre père. Nous savons la tendresse qu’il a pour nous. Lorsqu’il nous verra changer de vie, il nous aimera plus même qye ceux qui auront toujours gardé l’innocence» (Sur l’épître aux Romains, VI).

L’Église nous invite, ce dimanche, à revenir vers la maison de notre Père

L’Église nous invite, ce dimanche, à revenir vers la maison de notre Père. Pour nous faire prendre conscience de notre égarement, de notre séjour dans cette terre éloignée du péché, l’Église chante aux matines à partir de cette semaine le Psaume 136, «Au bord des fleuves de Babylone». Ce psaume fait allusion à l’exil du peuple Hébreu. Assis en exil aux bords des fleuves de Babylone, il pleurait, en se souvenant de Sion. Mais dans la lecture spirituelle que l’Église fait de ce psaume, la terre d’exil à laquelle il est fait allusion dans ce psaume est de nouveau la terre du péché. D’ailleurs, ce psaume se conclut d’une manière violante, en espérant une vengeance contre la fille de Babylone pour tout le mal qu’elle a fait au peuple Hébreu: «Heureux celui qui saisira et brisera tes petits enfants contre la pierre»… Dans l’interprétation spirituelle que l’Église fait de ce psaume, les enfants de la fille de Babylone sont les mauvaises pensées que suscite en nous notre état de pécheur. Pour nous en sortir, nous devons briser ces mauvaises pensées sur la pierre qui est le Christ par la prière de Jésus: «Seigneur, Jésus-Christ, Fils de Dieu, aie pitié de moi, pécheur».

Nous approchant du début du Carême, l’Église veut que nous prenions conscience de notre état de pécheur. A l’image du Fils Prodigue, elle nous invite à la conversion, afin qu’à travers la confession des péchés et le rejet des pensées mauvaises par la prière incessante, nous puissions revenir dans les bras paternels de Notre Dieu, et devenir, par notre conversion, la raison de sa joie dans son Royaume, où lui revient honneur et adoration dans les siècles des siècles. Amen.

Archevêque Job de Telmessos

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