Français, Homélies

Douzième dimanche après la Pentecôte

Nous venons d’entendre un passage bien connu de l’évangile selon Saint Matthieu : l’épisode du jeune homme riche (Mt 19, 16-30). Ce récit nous est également transmis par les saints évangélistes Marc et Luc (Mc 10, 17-31 ; Lc 18, 18-30). Un jeune homme se présente à notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ et l’interroge, comment obtenir la vie éternelle. Notre Seigneur répond en évoquant une liste de commandements tirés de la deuxième partie du Décalogue (Ex 20, 13-16 ; Dt 5, 17-20) : ne tue pas, ne commets pas d’adultère, ne vole pas, ne porte pas de faux témoignage, honore ton père et ta mère, aime ton prochain comme toi-même. Le jeune homme répond qu’il accomplit tout cela. Alors le Seigneur lui dit : « Si tu veux être parfait, vends tout ce que tu as, donne-le aux pauvres, et suis-moi » (Mt 19, 21).

Dans le récit d’aujourd’hui qui traite du salut et de la vie éternelle, nous pouvons voir clairement trois points ou trois étapes que chacun d’entre nous, pouvant se reconnaître sous les traits du jeune homme riche, doit suivre pour hériter de la vie éternelle. La première étape, c’est l’accomplissement des commandements. Les Pères de l’Église ont toujours considéré la Loi de l’Ancien Testament, le Décalogue, comme un pédagogue. C’est elle qui nous enseigne la droiture, la rectitude, la justice. Cependant, elle n’est pas suffisante.

Le Seigneur nous appelle à être parfaits comme notre Père céleste

Pour atteindre la vie éternelle, nous devons procéder à une deuxième étape : nous devons nous détacher de nos possessions, de notre avoir, de nos biens et de nos richesses. Nous ne devons pas leur être assujettis, ni en être dépendants. En effet, l’expression « si tu veux être parfait » n’est pas ici une option pour le Seigneur, mais une réponse à la question initiale du jeune homme sur la façon d’hériter la vie éternelle. Nous ne pouvons pas hériter de la vie éternelle dans le siècle à venir si nous sommes trop attachés aux biens passagers de ce monde. La perfection dont parle ici l’évangéliste Matthieu est celle qui surpasse la rectitude apparente et superficielle des scribes et des pharisiens et qui seule permet d’entrer dans le Royaume de Dieu. Le Seigneur nous appelle à être parfaits comme notre Père céleste est parfait (Mt 5, 48), et par ailleurs Il nous enseigne que là où est notre trésor, là aussi sera notre cœur (Mt 6, 21).

Le saint évangéliste Matthieu insiste encore plus que les saints évangélistes Marc et Luc sur la nécessité du dépouillement. Pour le Royaume de Dieu, tout doit être donné, même le prix le plus élevé. Certes, la tradition de l’Église ancienne a vu dans ce récit l’institution de la vocation monastique. C’est en effet en entendant la lecture de ce passage de l’évangile à l’église que saint Antoine le Grand, encore tout jeune, alors qu’il était devenu orphelin, décida de vendre tous les biens hérités de ses parents, de distribuer cet argent aux pauvres, et de partir au désert mener une vie ascétique (Vie de saint Antoine, 2. PG 26, 842-844). La tradition monastique a par ailleurs discerné dans ce passage le fondement des trois vœux monastiques : celui de pauvreté, bien sûr ; celui d’obéissance, puisque le Christ demande au jeune homme riche de venir et de le suivre ; et enfin, celui de chasteté, puisqu’en ayant vendu tout ce que l’on possède, on ne peut plus fonder une famille et subvenir à ses besoins. Cependant, l’évangéliste Matthieu s’adresse ici, dans ce passage, à tout chrétien.

Ce qui est impossible à l’homme, est possible à Dieu

La vie ascétique à laquelle l’Évangile invite tous les hommes et toutes les femmes est une voie difficile, une voie étroite. Le saint évangéliste Matthieu nous dit que le jeune homme riche s’en alla triste, car il avait beaucoup de possessions (Mt 19, 22). Il ne nous dit pas ce qu’il advint ensuite de ce jeune homme… Cependant, le passage se conclut d’une manière surprenante. Notre Seigneur affirme qu’il est plus facile à un chameau d’entrer par le trou d’une aiguille que pour un riche d’entrer dans le Royaume des Cieux (Mt 19, 23-24). Les disciples sont alors stupéfaits de ces paroles, et demande au Christ comment il sera possible aux hommes d’être sauvés. Et c’est alors que notre Seigneur conclut d’une manière surprenante, en disant que ce qui est impossible à l’homme, est possible à Dieu (Mt 19, 26). Voilà la troisième et ultime étape de notre cheminement vers le Royaume des Cieux : le salut est impossible à l’homme par ses propres forces, mais il est rendu possible en tant que don de Dieu.

Ce n’est pas par l’observance seule des commandements que nous gagnons notre salut, et ce n’est pas par la pratique de la charité que nous achetons notre salut. Le passage que nous venons d’entendre évoque l’éternelle dilemme entre la grâce et nos actions. Au début du quatrième siècle, un moine irlandais nommé Pélage, prétendait que notre salut dépendait seulement de nos actions et de nos efforts. Il prétendait que si l’homme s’efforce par son ascèse de lutter contre le péché, il parviendra à la sainteté et sera sauvé. Mais l’Église a condamné son enseignement en rappelant que le salut est un don de Dieu. Nous ne sommes pas sauvés en fonction de nos mérites, mais à cause de la miséricorde et de la bonté de Dieu qui veut le salut de tous les hommes.

Devenons de véritables collaborateurs de Dieu

Toutefois, ce salut que nous offre le Seigneur à travers tout le mystère de l’économie divine implique notre collaboration, notre synergie. Nous devons accepter ce don en étant fidèles au Seigneur par l’observance des commandements qui nous enseignent la rectitude et la droiture. Nous devons ensuite abandonner tout ce qui nous retient à ce monde : nos possessions, nos richesses, nos mauvaises habitudes, nos dépendances en pratiquant l’ascèse et l’aumône. C’est en ce sens que nous devenons de véritables collaborateurs de Dieu selon saint Paul (1 Co 3, 9).

L’observance des commandements et la pratique de l’ascèse et de l’aumône sont deux étapes préliminaires pour nous faire découvrir notre petitesse et notre impuissance. Seuls, nous ne pouvons parvenir au salut. C’est alors seulement que nous pouvons découvrir la grandeur du don de Dieu qui guérit nos infirmités et comble nos manquements par Sa grâce. Et alors, ce qui est impossible à l’homme devient possible à Dieu. Tel est la grandeur du mystère du salut accompli par notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ qui a pris sur lui notre nature déchue afin de la guérir, de la purifier, de la sanctifier, et de l’amener jusqu’au Ciel.

Durant cette Divine Liturgie, rendons de dignes actions de grâce au Seigneur pour tout cela. Demandons-lui, par la prière, qu’il nous accorde la force et le courage d’observer ses commandements. Par la prière, le jeûne, la charité et un mode de vie ascétique où nous nous contentons de peu, tâchons de nous détacher de tous les biens matériels qui nous rattachent à ce monde en les partageant généreusement autour de nous et efforçons-nous de nous libérer de toutes nos dépendances, afin de nous concentrer sur l’essentiel, de nous orienter sur l’unique nécessaire. Et c’est alors qu’il nous rendra dignes, par sa grande miséricorde et son amour infini pour les hommes, de Son Royaume, là où Lui revient honneur et adoration, dans les siècles des siècles. Amen.

Archevêque Job de Telmessos

Standard

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *