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Dimanche de l’Orthodoxie

L’évangile de ce dimanche relate la vocation de Philippe et de Nathanaël. Le Christ lui-même invite Philippe à le suivre, et ce dernier va trouver Nathanaël en lui disant : « Nous avons trouvé celui de qui Moïse a écrit dans la loi et dont les prophètes ont parlé, Jésus de Nazareth, fils de Joseph » (Jn 1, 45).

L’évangile d’aujourd’hui nous présente donc le Christ comme l’accomplissement de la loi et des prophètes. Le Christ se présente comme tel d’ailleurs lorsqu’il dit lui-même : « Ne pensez pas que je sois venu pour abolir la loi ou les prophètes. Je suis venu non pour abolir, mais pour accomplir » (Mt 5.17). En effet, comme nous l’explique saint Jean Chrysostome, « arrivé parmi nous, le Christ a accompli en lui-même tout ce qui avait été dit par le Père dans la Loi et par les lèvres des Prophètes. C’est pourquoi l’apôtre Paul peut dire que le Christ est l’accomplissement de la Loi (cf. Rm 10, 4) » (Homélie sur le Saint Esprit, 10).

L’évangile d’aujourd’hui nous présente le Christ comme l’accomplissement de la loi et des prophètes

Ainsi, l’enseignement des prophètes dans l’Ancien Testament était un enseignement inspiré par l’Esprit saint, qui révélait au peuple d’Israël le message de Dieu. C’est pourquoi nous confessons dans le Symbole de foi notre foi en l’Esprit saint « qui a parlé par les Prophètes ». Les Prophètes furent inspirés de l’Esprit Saint pour parler au nom de Dieu. L’Esprit porte les prophéties de l’Ancien Testament à leur plein accomplissement dans Christ, dont le mystère se dévoile dans le Nouveau Testament.

C’est la raison pour laquelle saint Irénée de Lyon, faisant face à l’hérésie gnostique au deuxième siècle, a souligné que l’Ancien et le Nouveau Testament forme un tout, et qu’il n’y a qu’un seul sujet dans l’ensemble des Écritures : le Christ, pouvant être perçu en ombre et en figure dans l’Ancien Testament et qui se révèle pleinement dans le Nouveau Testament en s’incarnant. Le mystère du salut, prévu depuis l’éternité et annoncé par les prophètes, s’accomplit dans l’incarnation du Fils de Dieu devenu homme. C’est pourquoi saint Irénée affirme : « Si donc les Prophètes ont prophétisé que le Fils de Dieu devait être vu sur la terre et s’ils ont prophétisé en quel endroit de la terre et de quelle manière et sous quelles modalités il devait être vu, et si, d’autre part, le Seigneur a accompli toutes ces prophéties en sa personne, ferme est notre foi en lui et véridique la transmission de la prédication, autrement dit le témoignage des apôtres » (Démonstration apostolique, 86).

C’est justement au thème de la vision que Philippe invite Nathanaël

Or, c’est justement au thème de la vision que Philippe invite Nathanaël, dans la péricope de l’évangile d’aujourd’hui, lorsque ce dernier se demande si quelque chose de bon pouvait venir de Nazareth : « Viens et vois ! » (Jn 1, 46) lui dit alors Philippe. Mais avant même qu’un échange s’instaure entre Nathanaël et le Christ, ce dernier reconnaît la droiture de Nathanaël comme « véritable Israélite ». Nathanaël s’étonne que le Christ le connaisse, alors qu’ils ne s’étaient jamais rencontrés ni vus auparavant. Alors le Christ prononce ces paroles intrigantes :  « Avant même que Philippe ne t’appelât, quand tu étais sous le figuier, Je t’ai vu » (Jn 1, 48)…

L’allusion au figuier nous rappelle l’épisode de la chute dans la Genèse, lorsque nos premiers parents se couvrent de feuilles de figuier (Gn 3, 7). C’est d’ailleurs sur cet épisode que s’est arrêtée la lecture du livre de la Genèse aux vêpres de vendredi soir dernier. Par conséquent, le Christ ayant vu Nathanaël sous le figuier l’aurait reconnu pécheur, ou plus exactement, aurait reconnu à travers lui toute l’humanité pécheresse, déchue, et accourt dans le monde pour accomplir le mystère du salut visant à restaurer l’homme dans la condition voulue par Dieu. Or, c’est Dieu qui fait le premier pas en venant vers l’homme à travers l’incarnation. Dieu voit d’abord l’homme dans son état déchu, accourt vers lui, afin que l’homme puisse le voir et le suivre. Pour saint Augustin, ces paroles adressées à Nathanaël signifient : « Tu n’accourrais pas à Celui qui efface les péchés, si d’abord il ne t’avait pas vu sous l’ombre même du péché ». Car pour Augustin, « pour voir, nous avons été regardés ; pour aimer, nous avons été aimés » (Sermon 424, Sur la grâce et le baptême des enfants, 4).

D’ailleurs, il en fut de même dans un autre passage de l’évangile que nous avons entendu il n’y a pas si longtemps, avec Zachée. Zachée vit le Christ parce que le Christ l’a vu d’abord (Lc 19, 5) ! Saint Augustin dit à son sujet : « après avoir fait entrer Zachée dans son cœur, le Seigneur daigna entrer lui-même dans sa maison et lui dit : Zachée, descends vite, car il faut qu’aujourd’hui même je loge chez toi » (Ibid.) !

Le Christ est véritablement « l’image du Dieu invisible »

Ainsi, l’amour de Dieu pour l’homme et son salut précède toujours sa conversion. Le Christ est véritablement « l’image du Dieu invisible » (Col 1, 15) qui se révèle à nous en s’incarnant pour notre salut, afin de restaurer en nous l’image et la ressemblance à laquelle nous avons été créés.

Notre Église célèbre aujourd’hui le Triomphe de l’Orthodoxie, solennité instituée en 843, alors que l’Église venait de mettre fin à l’hérésie de l’iconoclasme. Or, si l’Église a combattu pendant un siècle l’iconoclasme, ce n’était pas simplement pour une question d’esthétique, de savoir s’il fallait ou non décorer nos églises. Non, dans l’iconoclasme, l’Église a vu la plus grande hérésie : celle de rejeter le Christ, comme étant véritablement ce Dieu qui vient vers nous pour notre salut en s’incarnant, en se révélant, en se laissant regarder, en étant vu en Jésus-Christ, cette « image visible du Dieu invisible ». L’iconoclasme était donc véritablement une hérésie christologique qui mettant en branle le mystère du salut en refusant de voir en Jésus-Christ l’accomplissement de la loi et des Prophètes.

C’est pourquoi l’Église orthodoxe résume toute la Tradition de l’Église à travers ces mots profonds et pleins de sens du Synodikon de l’Orthodoxie : « Ainsi que les Prophètes ont vu, que les Apôtres ont prêché, que l’Église a reçu, que les Docteurs ont dogmatisé et que l’univers a cru ; ainsi que la grâce a resplendi, que la vérité a été démontrée et l’erreur dissipé ; ainsi que la Sagesse a déclaré, et que le Christ a triomphé […] telle est la foi des Apôtres, telle est la foi des Pères, telle est la foi des Orthodoxes, telle est la foi qui affermi l’univers » (Synodikon de l’Orthodoxie).

L’Orthodoxie n’est pas un musée d’antiquités, ni un ensemble de rites ou d’us et de coutumes, mais la rencontre et l’union avec le Christ, annoncé par les prophètes et célébré par les mystères de l’Église

L’Orthodoxie, chers frères et sœurs, n’est donc pas un musée d’antiquités. Ce n’est pas non plus qu’un ensemble de rites ou d’us et de coutumes. La foi orthodoxe, c’est la rencontre avec le Dieu vivant, c’est la rencontre et l’union avec le Christ, annoncé par les prophètes et célébré par les mystères de l’Église, qui nous octroie la vie éternelle dans Son Royaume. Suivons donc l’exemple de Nathanaël et accourons dans un élan de conversion que nous inspire ce temps de Carême vers le Christ qui vient vers nous à travers les mystères de l’Église. Laissons-nous aimer par Lui, pour l’aimer à notre tour. Laissons-nous voir, dans notre état misérable de pécheur, afin de le voir à notre tour, et de voir « bien plus que cela ! » : de voir « le ciel ouvert et les anges de Dieu monter et descendre au-dessus du Fils de l’Homme » (Jn 1, 51), c’est-à-dire l’inauguration du Royaume de Dieu qui n’a nulle fin par la venue du Christ, et où lui revient louange, honneur et adoration dans les siècles des siècles. Amen.

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