Français, Homélies

Dixième dimanche après la Pentecôte

Nous poursuivons, comme les dimanches précédents, la lecture de l’évangile selon saint Matthieu et nous venons d’entendre le récit de la guérison d’un enfant possédé. Nous parlons parfois d’un garçon épileptique ou lunatique (Mt 17, 14-23). Ce miracle nous est relaté par les trois évangiles synoptiques (voir Marc 9, 14-29 ; Luc 9, 37-43). Nous avons d’ailleurs entendu la lecture du récit de ce même miracle par le saint apôtre et évangéliste Marc le quatrième dimanche du Carême. Ce miracle, comme tous les miracles qui nous sont présentés dans l’Évangile, est le symbole de la guérison de l’humanité par le mystère du salut réalisé par notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ.

Ce récit de guérison débute par un constat d’échec. Le père de l’enfant dit à notre Seigneur : « Je l’ai amené à tes disciples, et ils n’ont pas pu le guérir » (Mt 17,16). Les disciples eux-mêmes lui demandent : « Pourquoi n’avons-nous pu chasser ce démon ? » (Mt 17,19). Nous pourrions même nous demander si le point central du récit de Matthieu ne serait pas, non pas la guérison à proprement parler, mais l’analyse de cet échec. Pourquoi les disciples n’ont-ils pas été capables de guérir l’enfant. Or, sur ce dernier point, il existe une différence entre le récit de l’évangéliste Marc et celui de l’évangéliste Matthieu.

Ce récit de guérison débute par un constat d’échec

Chez les deux évangélistes, le miracle a lieu immédiatement après le récit de la Transfiguration. Le Christ s’est retiré, ne gardant avec lui que ses trois apôtres choisis — Pierre, Jacques et Jean. Après sa transfiguration, Il regagne la foule et ses autres disciples. Dans le récit de Marc, l’échec des disciples est opposé au succès du Seigneur qui manifeste ainsi Sa puissance divine. De son côté, Matthieu simplifie considérablement le récit de Marc et se concentre sur la question de la foi. Il ne fait pas intervenir la foule, n’interroge pas la foi du père, mais débute directement par la question de l’échec des disciples. La « génération incrédule » (Mt 17, 17) dont il est question concerne donc bien les disciples.

Dans le récit d’aujourd’hui, le reproche concerne le manque de foi des disciples

Dans de nombreux récits de guérison dans l’Évangile, la foi est mentionnée comme condition permettant la réalisation du miracle. Notre Seigneur éprouve la foi du malade ou du demandeur. Lorsque cette foi est absente, le miracle ne peut avoir lieu, comme le note ailleurs l’apôtre Matthieu : « Il ne fit pas beaucoup de miracles dans ce lieu, à cause de leur incrédulité » (Mt 13, 58). Mais dans le récit d’aujourd’hui, le reproche concerne le manque de foi des disciples. Il développe ce dont nous avons parlé la semaine dernière dans le récit de la marche de Pierre sur la mer (Mt 14, 28-32). Alors que Pierre commence à douter de la parole de son Maître, il commence à couler dans l’eau. Sa capacité de marcher sur l’eau dépendait de sa foi en Jésus-Christ.

C’est aussi la conclusion du récit d’aujourd’hui : « si vous avez la foi… rien ne vous sera impossible » (Mt 17, 20). Selon l’évangéliste Matthieu, la raison de l’échec des disciples est clairement identifiée : il s’agit de l’insuffisance de leur foi. Selon notre Seigneur, une foi aussi minuscule qu’un grain de sénevé aurait suffi à obtenir la guérison. L’échec est donc dû à l’attitude des apôtres n’ayant pas confiance dans le Seigneur ou doutant de lui. La péricope d’aujourd’hui rappelle à nous tous, en tant que disciples du Christ, que notre salut, représenter dans le langage biblique par les miracles de guérison, s’opère dans le cadre de la foi.

Si vous avez la foi… rien ne vous sera impossible

Mais le Seigneur rappelle également dans le récit d’aujourd’hui que « cette sorte de démon ne sort que par la prière et par le jeûne » (Mt 17, 21). Saint Jean Chrysostome commentant ce passage souligne le bien que nous apportent la prière lorsqu’elle est associée au jeûne : « Celui qui prie et qui jeûne comme nous disons, n’a plus besoin de tous les faux biens de la terre, et celui qui n’a plus besoin de ces biens en est d’ordinaire fort détaché, et est toujours prêt à faire l’aumône. Celui qui jeûne a l’esprit fervent, toujours élevé au ciel. Il prie avec application. Il éteint en lui les mauvais désirs. Il fléchit Dieu et apaise sa colère. Il humilie son âme et réprime son orgueil » (Homélie sur Matthieu 57, 4).

Pour avoir une foi inébranlable, pour avoir pleinement confiance en Dieu, nous devons rejeter notre orgueil. Nous devons nous considérer comme des serviteurs inutiles, puisque nous n’avons fait que ce que nous devions faire, rien de plus (cf. Lc 17, 10). Nous devons acquérir l’humilité. Nous devons reconnaître que sans Dieu, nous ne pouvons rien faire (cf. Jn 15, 5). Pour cela, la prière associée au jeûne peut nous aider.

Le récit d’aujourd’hui fait suite au récit de la Transfiguration (Mt 17, 1-9). Il se termine par l’annonce de la mort et de la résurrection du Christ le troisième jour (Mt 17, 23). La transfiguration du Christ nous fait comprendre le mystère de la Passion et de la Résurrection. C’est d’ailleurs pourquoi nous fêtons le 6 août la Transfiguration, soit quarante jour avant le fête de l’Exaltation de la Croix le 14 septembre. Or, comme le souligne l’évangéliste Luc, le Seigneur s’était retirer sur la montagne pour prier (Lc 9, 28). C’est pendant la prière qu’il s’est transfiguré. Et c’est après avoir prié qu’il accomplit le miracle d’aujourd’hui.

Notre Seigneur nous montre donc le chemin qui mène vers le salut. C’est par la prière et par le jeûne que nous pouvons transfigurer notre être. C’est par la prière et par le jeûne que nous pouvons nous consacrer entièrement à lui, et lui faire entièrement confiance. C’est en acquérant cette foi que nous arriverons à transformer par Sa grâce notre personne et ainsi, tout deviendra possible dans notre vie grâce à Lui. Que par l’ascèse de la prière et du jeûne Il nous accorde d’avoir cette foi, ne serait-ce qu’aussi petite qu’un grain de sénevé pour faire bouger les montagnes. Et alors, nous serons étonnés combien notre vie sera transformée, combien nos échecs et nos faiblesses, dus au manque de notre foi, seront guéris et nous permettrons de progresser vers Lui. A Lui honneur et adoration dans les siècles des siècles. Amen.

— Archevêque Job de Telmessos

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