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Dimanche du Publicain et du Pharisien

Ce dimanche, l’Église orthodoxe vient de nouveau puiser à une source intarissable de sa spiritualité en ouvrant le Triode à la page du Publicain et du Pharisien. Le livre liturgique du Triode nous accompagnera à partir d’aujourd’hui durant huit semaines pour nous préparer à la fête de Pâques qui est le cœur de la vie liturgique de notre Église tout comme la Résurrection est le fondement de notre foi. Nous entamons aujourd’hui la période préparatoire, qui durera trois semaines, comprenant quatre dimanches, laissant ensuite place aux six semaines du Grand Carême, précédant la Sainte et Grande Semaine.

L’hymnographie que nous propose le Triode pour ce dimanche s’inspire de la parabole du Publicain et du Pharisien transmise par l’Évangéliste Luc (Lc 18, 9-14) et qui est lue à la Divine Liturgie. La problématique de ce texte bien connu est simple : deux hommes viennent au temple pour prier. Cependant, l’un revint dans sa maison justifié plutôt que l’autre. L’évangéliste oppose ainsi dans son récit deux manières de prier. Le pharisien avait l’impression de prier alors qu’il se ventait et jugeait les autres : « O Dieu, je te rends grâces de ce que je ne suis pas comme le reste des hommes, qui sont ravisseurs, injustes, adultères, ou même comme ce publicain ; je jeûne deux fois la semaine, je donne la dîme de tous mes revenus ». Au contraire, le publicain, n’osant même pas lever les yeux au ciel se frappait la poitrine en disant avec humilité : « O Dieu, aie pitié de moi, pécheur ». Cette prière humble recevra d’ailleurs le nom de prière du publicain dans la tradition orthodoxe et deviendra la base de la prière incessante que l’on appelle couramment prière de Jésus : « Seigneur, Jésus-Christ, Fils de Dieu, aie pitié de moi, pécheur ».

La prière est le souffle ou la respiration de la vie spirituelle

Le Triode, dans son hymnographie, reprend la thématique de la prière contenue dans la parabole évangélique. La toute première hymne pour ce dimanche, chantée aux Vêpres, nous enseigne en effet : « Frères, ne prions pas à la manière du Pharisien, car celui qui s’élève devra s’humilier. Humilions-nous plutôt devant Dieu, à la manière du Publicain, et disons comme lui : Seigneur, aie pitié du pécheur que je suis ». La prière est fondamentale pour la vie chrétienne. Elle est le souffle ou la respiration de la vie spirituelle. Tout comme un être vivant ne peut vivre s’il ne respire pas, de même un homme ne peut avoir une vie spirituelle s’il ne prie pas constamment. C’est pourquoi l’Apôtre Paul instruit les chrétiens de « prier sans cesse » (1 Thess 5, 17). D’où la tradition de la prière incessante dans la spiritualité orthodoxe, précieusement préservée à travers les siècles dans la tradition hésychaste de notre Église.

Mais encore faut-il savoir prier convenablement

Mais encore faut-il savoir prier convenablement. C’est pourquoi le Triode, à la suite de la parabole de l’Évangile de Luc, met en contraste la prière du pharisien avec celle du publicain en opposant l’orgueil et la vaine gloire à l’humilité qui caractérise le véritable repentir, comme cela apparaît dans la deuxième hymne chantée aux vêpres, la veille de ce dimanche : « Le Pharisien, vaincu par sa vanité, et le Publicain, courbé de repentir, se présentèrent tous les deux devant toi, notre unique Seigneur. Le premier, si fier de lui, fut privé de tes biens. L’autre, plus sobre de mots, fut pourvu de ta grâce largement. Vois mes larmes et rends-moi plus fort, ô Christ notre Dieu, car tu es l’Ami des hommes ».

L’humilité est une force qui nous élève vers Dieu

L’orgueil, si caractéristique de l’humanité, surtout à notre époque, n’est qu’un atout éphémère qui ne mène pas très loin. Alors que l’homme se croit triomphant, c’est l’orgueil qui l’entraine dans la déchéance. Bien au contraire, l’humilité, qui peut paraître pour certains une faiblesse du trait de caractère, est une force qui nous élève vers Dieu. C’est pourquoi le Triode entonne dans le cathisme qui suit la troisième ode du canon des matines de ce dimanche : « Il fut élevé par son abaissement, le Publicain qui gémissait, rougissant de ses péchés, et qui demandait pardon au Créateur. L’orgueil par contre fit déchoir de toute justice le malheureux Pharisien qui se vantait. Recherchons donc la vertu et fuyons le péché ». Ceci n’est pas sans nous rappeler, dans la tradition ascétique de l’Orient chrétien, l’apophtègme de saint Antoine le Grand qui affirme d’une manière géniale : « J’ai vu tous les filets de l’Ennemi tendus sur la terre, et je disais en gémissant : Qui donc passera à travers ? Et j’entendis une voix me dire : L’humilité ».

Le Triode tire profit de la parabole évangélique pour nous apprendre l’humilité, l’unique voie de notre salut. C’est pourquoi il nous invite, dans le kondakion de ce dimanche, à imiter le Publicain dans sa prière : « Du Pharisien fuyons l’orgueil, du Publicain apprenons l’humilité et gémissons sur nos péchés en disant au Sauveur : Pardonne-nous, Seigneur, qui seul es indulgent ». A cela, l’oikos ajoute : « Frères, que chacun de nous s’humilie. Dans les larmes et les gémissements, frappons notre conscience. Afin qu’au jour de l’éternel jugement nous soyons trouvés irréprochables et que nous obtenions le pardon. C’est là le repos véritable, en effet, celui que nous espérons voir un jour et pour lequel nous implorons, celui d’où sont absents la peine, le chagrin et les profonds gémissements, ce merveilleux jardin et ce nouvel Éden, que nous procure le Christ, le Verbe de Dieu coéternel au Père ».

Le Triode nous invite en quelque sorte à un pèlerinage tout en relatant la plus grande catastrophe de l’humanité qui fut l’exil du jardin d’Éden, du Paradis où Dieu avait placé l’homme après sa création (Gn 2, 10-14), mais d’où il avait été chassé après avoir péché par orgueil, voulant devenir comme Dieu par ses propres moyens et avant le temps (Gn 3,5-6). Au début de ce pèlerinage qu’est la période du Grand Carême, nous nous trouvons, comme Adam après la chute, devant les portes closes du Paradis. Mais par Sa Passion salvatrice, le Christ, vers lequel nous devons nous rapprocher par la prière et dans l’humilité, nous donne de nouveau accès à ce Paradis perdu qui n’était qu’une figure du Royaume céleste.

C’est pourquoi le Triode nous interpelle dans le canon hymnographique de ce dimanche, à la neuvième ode, de la manière suivante : « Ayant reçu du Christ l’humilité comme voie d’exaltation, imitons notre modèle de salut, celui du Publicain, et repoussons loin de nous la fumée de l’orgueil, pour que notre humble cœur reçoive la grâce de Dieu ». Ainsi, nous invitant à ce pèlerinage vers la Terre des vivants, le Triode nous instruit : « Au Créateur nous offrirons nos humbles prières de publicains plutôt que la vaniteuse action de grâces du Pharisien, qui dans son orgueil veut juger le prochain. Ainsi nous obtiendrons la lumière et la grâce de Dieu ».

­— Archevêque Job de Telmessos

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