Français, Homélies

Dimanche du jugement dernier

Nous ayant invités à entreprendre ce pèlerinage vers le Royaume de Dieu, et après avoir médité sur l’importance de l’humilité et de la conversion, le Triode nous propose ce dimanche de considérer ce qui nous attend à la fin de notre pérégrination terrestre, à savoir le jugement dernier. Ce thème qu’aborde ce dimanche le Triode découle de l’évangile lu à la Divine Liturgie — la parabole du jugement dernier de l’évangile de Matthieu (Mt 25, 31-46), qui fait suite à d’autres paraboles : celles de l’intendant (24, 45-51), des vierges sages et folles (25, 1-12) et des talents (25, 14-30) et qui fait écho à ce qu’avaient annoncé les prophètes et les textes apocalyptiques juifs. Le texte parle du jugement ultime, qui effacera définitivement le mal dans l’humanité, lorsque le Fils de l’homme viendra dans sa gloire, escorté de tous les anges, et prendra place sur son trône de gloire pour séparer les gens les uns des autres, tout comme le berger sépare les brebis des boucs. Alors Il placera les brebis, c’est-à-dire les bénis, à sa droite, et les boucs, c’est-à-dire les maudits, à sa gauche.

L’hymnographie du Triode identifie ce Fils de l’homme qui juge l’humanité avec le Christ qui est à la fois juste et miséricordieux, et pour cette raison implore sa miséricorde : « Lorsque tu viendras pour rendre un juste jugement, juste Juge, sur ton trône de gloire tu siègeras. Un fleuve de feu coulera devant ton tribunal, les puissances des cieux t’assisteront, les hommes, remplis d’effroi, seront jugés, chacun selon ses actions. À cette heure, ô Christ, épargne-nous, réservant le sort des élus aux fidèles qui t’implorent, en raison de ton amour » (vêpres, lucernaire).

Le Christ est le Juge non seulement des chrétiens, mais aussi des païens

Le jugement décrit dans l’évangile de Matthieu est un jugement universel, en présence de « toutes les nations » (Mt 25, 32). Le Christ est le Juge non seulement des chrétiens, mais aussi des païens, de ceux qui ne l’ont pas connu mais qui ont vécu, sans le savoir, en conformité avec la règle principale autour de laquelle les hommes sont jugés. On pourrait penser que les élus sont les membres de l’Église. Toutefois, eux aussi sont jugés en fonction de ce qu’ils ont fait durant leur vie. L’hymnographie poursuit sa paraphrase de la parabole en insistant de nouveau sur la miséricorde divine : « Les trompettes retentiront et s’ouvriront les tombeaux. Tout tremblants, les hommes en sortiront. Ceux qui ont fait le bien seront dans la joie, dans l’attente de la récompense qu’ils recevront. Ceux qui ont fait le mal hurleront de terreur, envoyés au châtiment et séparés des élus. Seigneur de gloire, fais-nous grâce, dans ta bonté, laisse-nous jouir du sort de tes amis » (vêpres, lucernaire).

La description qu’en fait le Triode n’est pas sans évoquer les paroles de l’apôtre Paul au sujet de la résurrection des morts : « Car le Seigneur lui-même, à un signal donné, à la voix d’un archange, et au son de la trompette de Dieu, descendra du ciel, et les morts en Christ ressusciteront premièrement » (1 Thess 4, 16) que nous lisons lors des funérailles. Il n’est donc pas étonnant que le Triode ait aussi introduit la veille de ce dimanche une commémoration universelle des défunts. C’est le samedi des défunts, appelé chez les Grecs le « samedis des âmes » (psychosabbato) et chez les Slaves le « samedi des parents » (roditelskaia subbota).

Le Christ – Juge de la Terre, lance un appel à la vigilance active et miséricordieuse

Si l’on revient sur le texte de l’évangile, on doit remarquer qu’il un mélange de genres, unissant parabole, allégorie, paradigme, apophtegme et prophétie éthique. Le Christ – Juge de la Terre, lance un appel à la vigilance active et miséricordieuse. Cet appel se retrouve tout au long de l’évangile de Matthieu. Ailleurs, pour exhorter ses auditeurs à l’écoute de la prédication du Royaume, notre Seigneur s’était adressé de manière sévère aux habitants de villes de Galilée qui n’auront pas accueilli l’Évangile : elles seront plus durement châtiées « au jour du jugement » que Sodome et Gomorrhe (cf. Mt 10, 15 ; Mt 12, 41-42). C’est pourquoi l’hymnographie du Triode nous invite à conformer notre vie à l’enseignement évangélique : « Connaissant les préceptes du Seigneur, efforçons-nous d’y conformer notre vie : aux pauvres donnons de quoi manger, donnons à boire à ceux qui ont soif, revêtons ceux qui n’ont pas de vêtement, accueillons chez nous les étrangers, visitons les malades et les prisonniers, afin que nous dise, a nous aussi, Celui qui jugera le monde entier : Venez, les bénis de mon Père, pour recevoir en héritage le Royaume qui vous est préparé » (vêpres, litie).

Selon l’évangile de Matthieu, le caractère du futur jugement est inévitable et sa décision est irrévocable. C’est pourquoi le Triode profite de cette parabole pour nous exhorter à la conversion et au repentir : « Hélas, ô mon âme avilie, jusques à quand persisteras-tu dans le péché ? Jusques à quand resteras-tu dans l’inaction ? Ne songes-tu pas à l’heure terrible de la mort ? Ne crains-tu pas le redoutable tribunal du Sauveur ? Comment vas-tu te défendre ? Comment te disculper ? Tes œuvres sont là comme pièces à conviction, tes actions témoignent contre toi. D’ailleurs, ô mon âme, le temps suit son cours. Devance-le, si tu peux, et crie dans la foi : j’ai péché, Seigneur, j’ai péché, mais je connais ton amour et ta pitié. Ô bon Pasteur, ne me prive pas de me tenir à ta droite, par un effet de ta bonté » (vêpres, apostiches).

La parabole du jugement dernier est aussi une invitation au repentir

La parabole du jugement dernier est donc aussi une invitation au repentir. Le Triode nous y invite, connaissant la miséricorde de Dieu qui a été notamment le thème développé le dimanche précédent dans la parabole du Fils prodigue. C’est pourquoi l’hymnographe affirme : « Je redoute la terrible géhenne et le feu qui ne s’éteint, le ver qui ronge, les grincements de dents. Ô Christ, efface, pardonne mes péchés et place-moi parmi tes élus » (matines, canon, ode 1). Ainsi, la justice de Dieu, décrite dans la parabole évangélique de ce dimanche, n’est pas une justice moraliste ou légale, mais une justice de miséricorde. C’est pourquoi l’hymnographe poursuit : « En justice ne me cite pas, me rappelant au devoir, scrutant mes actions et redressant mes torts. Mais, dans ta pitié, ferme les yeux sur mes forfaits et sauve-moi, ô Dieu tout-puissant » (Ibid.). Et à cela, il ajoute « Redoutable est le tribunal, juste ton jugement et mauvaises mes actions. Mais toi, Dieu de tendresse, viens me sauver et me délivrer du châtiment. Ô Maître, préserve-moi du sort des réprouvés et rends-moi digne de me tenir à ta droite, ô juste Juge » (matines, cathisme).

Ainsi donc, le fil conducteur du Triode est le repentir qui est bien évidemment celui de l’Évangile. C’est pourquoi l’hymnographie du Triode est pétrie d’images et de figures bibliques. Le juge de la parabole de ce dimanche est celui qui sépare les boucs des brebis (Mt 25, 32). Cette figure nous rappelle l’image de la séparation du blé et de l’ivraie dans une autre parabole sur le Royaume de Dieu (Mt 13, 28-30). L’hymnographe prie que nous soyons compté du nombre des brebis : « Lorsque le monde sera jugé et que tu sépareras les justes d’avec les pécheurs, compte-moi, je t’en prie, comme une de tes brebis, sépare-moi d’avec les boucs, Ami des hommes, pour que j’entende ta voix, ta parole de bénédiction » (matines, canon, ode 4).

Le fil conducteur du Triode est le repentir qui est bien évidemment celui de l’Évangile

Certes, nous sommes tous exhortés par notre Seigneur à vivre selon ses commandements, mais, hélas, souvent à cause de nos faiblesses nous n’y arrivons pas. Mais le Christ n’est pas un juge inique, mais un juge miséricordieux. C’est pourquoi la figure du juge dans la parabole de ce dimanche est aussi celle du pasteur, qui n’est pas sans nous rappeler la figure du bon pasteur dans la parabole de la brebis égarée (Mt 18, 12-13 et Lc 15, 3-7), où le Bon Pasteur laisse ses quatre-vingt-dix-neuf brebis fidèles pour ramener celle qui s’est égarée.

Mais dans la parabole du jugement dernier, le juge est aussi un roi, qui n’est pas sans nous rappeler la parabole des invités au festin de noces dans l’évangile selon Matthieu (Mt 22, 1-14), où le roi, en examinant les convives, s’indigne de découvrir un convive qui ne porte pas de vêtement festif, l’exclut et l’envoie au pire lieu de châtiment. C’est pourquoi l’hymnographe fait un rapprochement entre ces deux paraboles de Matthieu en suppliant la miséricorde de Dieu : « Que je n’aille au pays de Lamentation et ne voie le lieu d’obscurité, ô Christ et Verbe de Dieu, que je n’aie pieds et poings liés et ne sois rejeté de la salle du festin, car j’ai souillé pour mon malheur l’habit des noces éternelles » (matines, canon, ode 4).

Par ailleurs, les pauvres apparaissent dans la parabole de ce dimanche comme les frères du Roi (Mt 25, 40). Cette sacramentalité du pauvre est rappelée dans les évangiles qui condamnent constamment les plus riches qui omettent de pratiquer l’aumône, comme dans la célèbre parabole du riche et de Lazare (Lc 16, 19-31) ou encore celle du riche insensé (Lc 12, 16-21). C’est pourquoi l’hymnographie du Triode fait le lien entre ces différents passages évangélique : « Lorsque j’entends le mauvais riche se lamenter dans le feu du châtiment, je pleure et me lamente, moi aussi, car je mérite la même condamnation, et je te prie, Dieu Sauveur : à l’heure du jugement aie pitié de moi » (matines, canon, ode 4).

Le message du Triode est donc clair. A mesure que nous avançons vers le Royaume de Dieu, et que nous approchons du redoutable jugement, pour le moins que nous fassions une introspection sur nous-mêmes, nous découvrons que nous avons souvent manqué à accomplir les commandements de Dieu. C’est pourquoi le Triode nous exhorte à l’humilité et au repentir : « Frères, purifions-nous par la pénitence, reine des vertus. Voici qu’elle nous procure toutes sortes de biens : elle panse les blessures des passions, avec le Maître elle réconcilie les pécheurs. Aussi, l’embrassant avec joie, crions au Christ notre Dieu : Ressuscité d’entre les morts, garde nous libres de condamnation, nous qui te glorifions comme le seul sans péché » (matines, doxastikon des laudes).

Archevêque Job de Telmessos

Standard

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *