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Sixième dimanche de Pâques

En ce sixième dimanche de Pâques, le Pentecostaire poursuit l’interprétation des passages clés de l’Évangile de Jean le Théologien qui sont à la fois des mystagogies du mystère de notre salut, de la mort et de la résurrection du Christ, mais aussi du mystère de notre baptême qui les a actualisées dans notre vie. L’évangile lu à la Divine Liturgie de ce jour est le récit de la guérison d’un aveugle de naissance (Jn 9, 1-41). Une fois de plus, l’aveugle né représente l’humanité en attente de salut. L’aveugle né souffre d’une cécité incurable par les hommes. Le Christ qui vient le guérir manifeste ainsi le Dieu créateur venu dans ce monde restaurer sa créature, celle qu’Il avait façonnée à partir de la terre (Gn 2, 7) à son image et à sa ressemblance (Gn 1, 26-27).

L’hymnographe introduit ainsi la thématique de ce dimanche dans l’office des vêpres : « O Seigneur, en passant sur le chemin, Tu as trouvé un homme aveugle dès la naissance. Tes disciples ont été émerveillés et t’ont demandé, en disant : ‘Maître, qui a péché, cet homme ou ses parents, puisqu’il est né aveugle ?’ Mais toi, ô mon Sauveur, tu t’es exclamé : ‘Ni lui a péché, ni ses parents, mais [cela est arrivé] pour que les œuvres de Dieu puissent être révélées en lui. Je dois accomplir les œuvres de celui qui m’a envoyé, celles que personne ne peut faire’. Disant cela, Tu as craché sur le sol, as fait de l’argile et Tu lui as oint les yeux et dit : ‘Va, lave-toi dans la piscine de Siloé’. Quand il s’est lavé, il fut guéri et s’est exclamé : ‘Je crois Seigneur !’. Et il t’a adoré. C’est pourquoi nous aussi clamons : aie pitié de nous ! » (lucernaire, doxastikon). Le miracle de la guérison de l’aveugle de naissance est donc une théophanie, une manifestation et une révélation du Dieu qui s’est fait homme pour sauver l’humanité entière, elle qui, sans lui, était incapable d’être sauvée.

Le miracle de la guérison de l’aveugle de naissance est une manifestation du Dieu qui s’est fait homme pour sauver l’humanité entière

Dans le canon hymnographique des matines, saint Joseph l’Hymnographe souligne cette révélation du Dieu Créateur fait homme, accordée à l’aveugle né par compassion divine : « Ouvrant les yeux d’un homme qui n’avait pas vu la lumière naturelle, Tu as éclairé les pupilles de son âme et l’as amené à te glorifier quand il t’a reconnu comme Créateur, t’ayant vu par compassion tel un mortel » (ode 5). Ainsi, le miracle de l’évangile de ce dimanche doit être compris d’une manière beaucoup plus large. Il ne se limite pas à la guérison de l’aveugle de naissance, mais s’étend à la guérison de l’humanité entière. Il ne consiste pas seulement pour l’aveugle de recouvrir la vue de ses yeux physiques, mais consiste aussi en l’octroi d’une vision spirituelle. C’est ce que souligne l’hymnographie du Pentecostaire : « Accordez-moi un courant de sagesse inexprimable, et la connaissance d’en haut, ô Christ, Lumière de ceux qui sont dans les ténèbres et guide de ceux qui s’éloignent, afin que je raconte ce que le livre divin de l’Évangile de la paix enseigne : le miracle de l’aveugle qui, aveugle dès sa naissance, recouvre à la fois la vision physique et la vision de l’âme, lorsqu’il clame : Tu es la lumière rayonnante de ceux qui sont dans les ténèbres » (ikos).

Le miracle de la guérison de l’aveugle de naissance s’étend à la guérison de l’humanité entière: il ne consiste pas seulement pour l’aveugle de recouvrir la vue de ses yeux physiques, mais consiste aussi en l’octroi d’une vision spirituelle

L’hymnographie nous rappelle que le Verbe incarné a séjourné parmi nous sur terre en deux natures — divine et humaine, et qu’il a accompli des miracles sous deux formes — physique et spirituelle : « Qui racontera tes puissances, ô Christ ? Qui énumèrera la multitude de tes miracles ? Car Tu es apparu sur la terre en deux natures par ta bonté, et Tu accordes aussi les guérisons sous deux formes, car Tu as ouvert non seulement les yeux corporels de celui qui a été mutilé dès les entrailles de sa mère, mais aussi ceux de son âme. Par conséquent, il t’a confessé comme le Dieu caché, qui accorde à tous la grande miséricorde » (laudes, doxastikon). Tel est le sens du grand mystère de l’Incarnation de Dieu, tel est le sens du mystère de notre salut.

Par conséquent, recouvrir la faculté d’une vision spirituelle, celle de pouvoir voir Dieu et de s’unir à lui est non seulement le privilège de l’aveugle né, mais aussi le but de la vie de chaque chrétien qui fut baptisé dans la mort et la résurrection du Christ. C’est pourquoi l’hymnographe clame : « Ô Christ notre Dieu, Soleil spirituel de justice, par ton contact pur Tu as éclairé celui qui avait été privé de lumière depuis les entrailles de sa mère. En jetant tes rayons sur les yeux de nos âmes, accorde nous d’être les enfants du jour, afin que nous puissions te clamer avec foi : Ta compassion pour nous est grande et ineffable, ô ami des hommes, gloire à toi ! » (apostiches, doxastikon). La qualification d’enfants du jour nous rappelle les propos du Christ à ses disciples juste avant sa Passion : « La lumière est encore pour un peu de temps au milieu de vous. Marchez, pendant que vous avez la lumière, afin que les ténèbres ne vous surprennent point. Celui qui marche dans les ténèbres ne sait où il va.  Pendant que vous avez la lumière, croyez en la lumière, afin que vous soyez des enfants de lumière » (Jn 12, 35-36).

La tradition chrétienne désigne le sacrement du baptême comme mystère de l’illumination et ceux qui ont été baptisés du terme d’illuminés

Le saint apôtre et évangéliste Jean le Théologien nous présente le Dieu incarné comme la « Lumière qui éclaire tout homme qui vient dans ce monde » (Jn 1, 9). Être avec le Christ, avoir revêtu le Christ par le baptême, signifie être avec la Lumière, être des enfants de Lumière. Être loin du Christ signifie être dans les ténèbres. Pour cette raison, nous chantons ce dimanche : « Avec les yeux de mon âme mutilée, je viens à toi, ô Christ, comme l’homme aveugle de naissance, qui te clame avec repentir : Tu es la lumière rayonnante de ceux qui sont dans les ténèbres ! » (kondakion). C’est la raison pour laquelle le saint apôtre Paul nous enseigne : « Autrefois vous étiez ténèbres, et maintenant vous êtes lumière dans le Seigneur. Marchez comme des enfants de lumière ! Car le fruit de la lumière consiste en toute sorte de bonté, de justice et de vérité » (Ep 5, 8-9).

Ailleurs, l’apôtre Paul souligne que les chrétiens ne sont plus des enfants des ténèbres, mais des enfants du jour : « Mais vous, frères, vous n’êtes pas dans les ténèbres (…) vous êtes tous des enfants de la lumière et des enfants du jour » (1 Thes 5, 4-5). Ce changement radical dans leur vie a été opéré par le baptême. Ce n’est donc pas étonnant que la tradition chrétienne désigne le sacrement du baptême comme mystère de l’illumination et ceux qui ont été baptisés du terme d’illuminés. Ces termes sont apparus très tôt, dès la naissance du christianisme. Parlant du baptême au milieu du IIe siècle, saint Justin le Martyr écrit : « Ce bain s’appelle illumination parce que ceux qui reçoivent cet enseignement ont l’esprit illuminé » (1 Apologie 61, 12). Le baptême opère une transformation dans la vie du chrétien qui implique aussi de sa part un changement de mode de vie. Il inaugure en lui une lutte spirituelle contre les passions et le péché qui peut assombrir cette vision spirituelle qui lui a été accordée. Les armes contre les passions et le péché sont l’humilité et le repentir. Pour cette raison, l’hymnographie de ce dimanche formule aussi cette prière : « Accorde la vue aux yeux de mon âme, ô Seigneur, qui sont mutilés par le péché sombre, en les greffant d’humilité, ô Miséricordieux, et en me purifiant par des larmes de repentir » (exapostilaire).

Archevêque Job de Telmessos

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